vendredi, août 25, 2006

Anniversaire

Libération de Paris !...
"La France a perdu une bataille, la France n'a pas perdu la guerre " comme l'écrivait joliment Saint-Georges de Bouhélier dans sa pièce Jeanne d'Arc, jouée à l'Odéon en 1934. Cette phrase reprise avec le succès que l'on sait n'est souvent pas attribuée à son auteur et c'est dommage. Le dramaturge, ami de Zola, fut un ardent défenseur de Dreyfus.
Paris libéré ! Et je suis là !
Ma mère, inquiète, sachant que Leclerc va entrer dans Paris, me guette à la porte d'Orléans. Je lui ai téléphoné de la banlieue pendant l'approche sur Paris. Mais, tout fier dans mon nouvel uniforme, je remonte l'avenue de la Grande Armée
debout sur un half-track. J'assiste à plusieurs scènes où liesse et horreur se mélangent. Des filles m'embrassent. Un sniper allemand est lynché par la foule. Un ancien combattant de 14-18, unijambiste, lui fracasse le crâne de sa béquille.
Et je suis là...
Devant Notre Dame de Paris, un char s'arrête. La foule crie :" Vive la France". Le capot s'ouvre, une tête paraît et le tankiste répond avec un fort accent: ' Et perque pas vive l'Espagne ? " C'est un républicain espagnol qui est passé par la Légion.
Et je suis là.
Comment ? Un roman, une saga invraisemblable. Etudiant en médecine, j'ai été enrôlé dans la SAESRP, Section d'Ambulance d'Evacuation et de Secours de la Région Parisienne. Une planque contre le STO ? A la tête de cette organisme officiel ( Organisation ? ) des officiers de l'armée d'armistice. Les réunions ont lieu dans un sous-sol de l'Hôtel Dieu dépendant de la Préfecture de Police (?).
Qui en a entendu parler ? Qui y a participé ? Qui pourrait me donner des renseignements sur ce sujet ? Vire, répondez-moi. Le temps a passé, il sera bientôt trop tard.
Et voilà le début de ce qui ferait un très bon roman mais que je n'écrirai jamais. Quand je vois le nombre de nouveaux livres qui sortent chaque année et que je regarde les piles d'invendus et de livres d'occasion qui encombrent les devantures des libraires et soldeurs, la plume cesse de me démanger. Un blog de temps en temps calme mon prurit littéraire.
Débarquement du 6 Juin. Ma mère et mes frères sont bloqués en province. Mon père a été déporté en Allemagne. Je suis seul à Paris. On nous convoque. Nous sommes douze étudiants. On nous donne six ambulances bourrées de médicaments avec ordre de nous diriger vers Tours pour évacuer l'hôpital Psychiatrique vers le château Coty. Discrètement, un lieutenant me fait comprendre que les médicaments sont pour le "maquis" et que je dois tout faire pour rejoindre les Alliés. "ON" sait que mon père est déporté...
Mon équipier, étudiant en sciences s'appelle Miche Ter-Pogossian. Est-il le célèbre savant français mort aux Etats-Unis ? Le nom, les âges concordent. On lui a donné les mêmes consignes qu'à moi.
Nous sommes munis de passeports de la Croix-Rouge, d'Aussweiss et après avoir accompli notre mission à Tours et avoir été pris en charge par la résistance locale, nous roulons vers la Normandie et les troupes alliées... Peu après Tours, des drapeaux français, anglais, américains aux fenêtres d'un petit village. Nous les faisons vite retirer. Les habitants se croyaient libérés par les Américains. En fait un char léger s'était égaré, personne ne parlait anglais dans le village et les deux Américains se trouvaient à plus de 50 km de leur unité.
A Chartres, nous assistons à l'arrestation par la police militaire d'un faux capitaine FFI, célèbre vedette "française" de cinéma, en fait membre de la Gestapo, au moment même où des jeuns filles lui faisaient signer des autographes....
D'épisode en épisode, le feuilleton se déroule. Je n'ai pas besoin d'imagination, les faits sont suffisamment étranges, spectaculaires. Incroyables ? Je n'y peux rien... Ensuite ce sera l'Alsace, Strasbourg. Une autre histoire.

C'est aujourd'hui l'anniversaire de mon retour à Paris.

3 Comments:

At 13:22, Anonymous Anonyme said...

Faut l'écrire, peu importe sous quelle forme. Mais il serait préférable que ce soit en "dur" : pas gravé dans la pierre mais sous une forme qui ne deviendra pas illisible dès qu'arrive la prochaine génération de jouets informatiques. (Ma hantise : comment récupérer la vaste somme de connaissances accumulées par les humains pendant des millénaires lorsque seuls subsisteront des supports informatiques devenus indéchiffrables car démodés...)
Oui, il y a beaucoup de livres invendus, beaucoup de gachis - mais beaucoup de stupidités trouvent éditeur. Devoir de mémoire oblige, que ceux qui ont quelque chose à dire nous le transmette !

 
At 13:42, Anonymous Anonyme said...

Oui, il faut l'écrire. Ainsi que tes souvenirs de 68.
Marc

 
At 09:45, Anonymous Anonyme said...

Bonjour Jean-Claude,
pourquoi se demander s'il faut écrire ? Trop tard ! fallait pas commencer, reste plus qu'à continuer...De toute façon, on sent bien que ça vous démange (selon l'une de vos propres expressions), alors grattez, grattez (selon une autre de vos expressions)...

 

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